Monsieur le Directeur Académique,
Mesdames Messieurs les membres du CHSCT,

Monsieur le Ministre de l’Éducation Nationale affirmait à la fin du mois d’août « être tout à fait serein pour cette rentrée ». Malheureusement, les personnels étaient loin de partager ce sentiment. Une fois encore, il aura fallu attendre le dernier moment pour faire face aux contraintes toujours plus grandes imposées par des rentrées de plus en plus chargées. Une fois encore, il aura fallu passer par les médias pour avoir connaissance des mesures gouvernementales… Une fois encore, cette année, le protocole sanitaire laisse la plus grande part des arbitrages à l’appréciation des chefs d’établissement mais aussi des directrices et directeurs d’école, le seul objectif non avoué étant de garantir l’accueil de tous les élèves, quelles qu’en soient les conditions. Si nous sommes toutes et tous d’accord pour dire que la Covid est une véritable catastrophe éducative, nous ne pouvons qu’exprimer dépit et amertume quant aux remèdes choisis pour y remédier. Depuis un an, nous demandons en vain des adaptations pédagogiques concrètes. Cela passe notamment par des classes allégées, et donc des recrutements d’enseignants mais aussi d’AESH, d’AED, de CPE, d’infirmières et d’agents territoriaux. La réponse ministérielle n’est pas à la hauteur des enjeux : ce n’est pas en supprimant encore et toujours des postes qu’on améliorera les conditions d’apprentissage des élèves et les conditions de travail des personnels. Depuis dix-huit mois la FSU alerte sur les conséquences désastreuses de cette politique qui mise sur le surinvestissement des différents agents, qui mène indubitablement à l’échec pédagogique et qui est à l’origine de risques psychosociaux sans précédent !

Le constat est sans appel : notre Ministre reste sourd à nos alertes. Non, cette rentrée ne s’est pas passée sereinement ! Le quotidien, sur le terrain, c’est plutôt un cauchemar : trop d’élèves dans les classes, de la petite section à la terminale ; pas assez de remplaçants dans les écoles ; pas assez de remplaçants CPE ; des postes non pourvus dans le 2 nd degré ; des collègues inquiets face aux formations « Constellations » ; un manque criant d’AESH, alors même que les PIAL étaient censés mieux couvrir les besoins ; une charge de travail démesurée pour toutes et tous ; des situations particulières d’élèves ingérables. Quels moyens ont été apportés dans l’Essonne pour répondre à cette souffrance, à cet épuisement professionnel, si prégnants dans les fiches RSST et dans nos interventions ? Aucune mesure de prévention n’a été mise en place. L’absence de DUERP ne concourt pas à une amélioration de nos conditions de travail. Pourquoi l’employeur ne respecte-t- il pas ses obligations en matière de santé et de sécurité ? Attend-on qu’un événement dramatique se produise pour agir ?

La situation de la médecine de prévention est des plus alarmantes : des médecins en nombre insuffisant, un manque de moyens généralisé ! La santé des enseignants est aussi un indicateur de la bonne santé du système scolaire. Or, les conditions de travail ne cessent de se dégrader, les situations de souffrance au travail se font de plus en plus nombreuses, les démissions sont en hausse. Il n’y a d’ailleurs aucune remontée au ministère de l’Éducation nationale sur l’état de santé des personnels placés sous son autorité qui ne bénéficient pas de la visite médicale obligatoire. Pourtant l’article 22 du décret 82-453 stipule que « les administrations sont tenues d’organiser un examen médical annuel pour les agents qui souhaitent en bénéficier ». En Essonne, aucun des enseignants qui en ont fait la demande ne l’a obtenu. L’article 24-1 indique que « les agents qui n’auraient pas bénéficié de l’examen médical annuel font l’objet d’une visite médicale auprès d’un médecin de prévention tous les cinq ans ». Qu’en est-il ? Comment comprendre une telle négligence, qui plus est dans un contexte de pandémie ?

Revenons d’ailleurs à la gestion de cette pandémie, anxiogène à bien des égards. Pouvons-nous vraiment envisager que des capteurs de CO2 dans les écoles et les établissements de l’Essonne pourront rassurer les personnels, médusés de travailler dans des salles où les fenêtres ne s’ouvrent pas ? Pourquoi persister à refuser des purificateurs d’air dans les cantines ? Est-il vraiment admissible de faire fi de l’épuisement des enseignants en continuant de leur imposer le dispositif « Une salle, une classe » ? Est-il pensable que les professeurs d’EPS exercent dans des salles non couvertes ou sur des installations surchargées ou inadaptées à la pratique ? Tous ces constats du terrain, à un mois de la rentrée, nous permettent d’insister sur le droit à la santé. Le travail ne doit pas porter atteinte à l’intégrité physique et mentale. Cela signifie qu’il ne doit pas provoquer de maladie ou d’accident. Cela implique aussi la prise en compte des risques psycho-sociaux, qu’on continue ici d’ignorer ! C’est pourtant à l’administration de veiller à la bonne santé de ses personnels.

S’agissant de l’ordre du jour qui nous occupe aujourd’hui, force est de constater que les groupes de travail à venir (sur l’accueil des élèves à besoins particuliers et sur les conditions de travail des vies scolaires) mettront en lumière ce que la FSU ne cesse de clamer : les personnels ne doivent pas payer de leur santé le manque de moyens. Et puisqu’au sein de cette instance, le travail ne manquera pas, nous nous permettons également de rappeler l’importance de la formation des membres de ce CHSCT, et nous vous demandons, Monsieur le Directeur Académique, de prendre en compte la demande de certains des membres nouvellement élus d’obtenir la formation à laquelle les membres du CHSCT ont droit.

Nous choisissons de conclure cette déclaration en donnant la parole à nos trop nombreux collègues aux abois, qui chaque jour souffrent d’une gestion comptable qui ne prend pas en compte les besoins spécifiques de certains enfants. AESH dans les PIAL, enseignantes et enseignants dans les classes, directrices et directeurs dans les écoles, toutes et tous font l’épreuve d’une politique imposée à marche forcée sans formation ni moyens suffisants. Voici leurs mots :

– Je suis épuisée physiquement et moralement.

– J’ai mal à l’épaule droite à force de porter, retenir ou écarter cet élève pour protéger les autres ou l’empêcher de se sauver.

– J’ai mal au dos à force de devoir le porter pour monter ou descendre les escaliers lorsque celui-ci ne veut pas aller ou sortir de la classe. J’ai des bleus sur les jambes à force de recevoir des coups lorsqu’il est en crise.

– Il m’a sauté au visage, j’ai pris un coup et il m’a arraché mon masque.

– L’élève tape violemment, griffe, mord et devient presque incontrôlable tant sa colère est grande.- En classe, je redoute chaque rappel à la règle par peur d’une colère ou réaction excessive.

– Il n’hésite pas à lever la main pour me taper dès que je m’approche de lui.

– Faire la classe et surveiller la cour sont devenus source d’angoisse.

– Je crains pour la sécurité des élèves et des collègues qui ont déjà fait l’objet de griffures et de jets de pierre au visage. Je crains en permanence qu’il blesse quelqu’un.

– Il me répond « ferme ta gueule ».

– Il se met à courir dans la classe, à monter sur les tables et à ouvrir les portes communicantes en les refermant violemment. Je dois fermer les portes à clé ce qui est contraire aux règles et dangereux en cas d’alerte incendie ou d’ordre évacuation.

– Je suis totalement démunie face à cette situation. J’éprouve un réel sentiment d’impuissance et d’injustice vis-à-vis des autres élèves.

– Je l’ai griffé à l’épaule en voulant le rattraper, j’ai été très perturbée par cet incident, j’étais en larmes et j’ai mal dormi. M’occuper de lui devient source
d’angoisse. J’ai éprouvé de la culpabilité car mon rôle est de l’aider et non lui faire mal. On frôle régulièrement l’accident d’adultes ou d’enfants.

– Il faut tout négocier avec lui car toute activité, pédagogique ou ludique, imposée aboutit à une crise de refus plus ou moins violente. Je suis épuisée et me demande
comment je vais pouvoir tenir l’année.

– Tout ceci a une répercussion sur ma vie personnelle, je dors mal.

– Il m’est impossible de garantir le bien-être et la sécurité de tous mes élèves tant les réactions de N. sont imprévisibles.

– Il n’est pas normal que mes larmes coulent en rédigeant cette fiche tant cette situation est difficile à vivre sur le moment et postérieurement. Jusqu’où va aller cette situation : l’accident grave ?

– Comment s’occuper d’une petite fille qui n’est pas propre (changer, nettoyer voire doucher l’enfant plusieurs fois dans la journée) sans AESH, et garantir la sécurité de tous les autres enfants !

– Son comportement violent envers moi-même et ses camarades retient une grande partie de mon attention. Il crache sur moi, frappe avec ses pieds, s’oppose aux
consignes élémentaires de la classe et sort fréquemment de la classe sans autorisation.

– Je suis stressée chaque matin de classe, anxieuse de me faire frapper à nouveau, d’avoir un moment d’inattention et de ne pas avoir réussi à protéger les élèves.

– Mon médecin a noté une tension élevée, mon sommeil est fractionné, marqué par des insomnies, des crises d’angoisse, je suis épuisée. Puis-je continuer à exercer dans ces conditions ?

– L’enfant est extrêmement violent et colérique envers les enfants et les adultes. Il m’a mis un coup de tête me blessant au nez quand je lui demandais ce qui se passait. Il frappe, il griffe au sang les élèves, retourne le mobilier de la classe et s’échappe. Il s’est enfui lors d’une sortie. Je suis rentrée de cette sortie extrêmement stressée, terriblement inquiète pour sa sécurité, pour celle de mes élèves et pour moi-même. Qui aurait été responsable si je n’avais pu le rattraper ? 

– Je suis sans cesse sur le qui-vive ou dans la négociation par crainte de déclencher une crise.

– Je ne pense pas pouvoir continuer comme cela très longtemps alors que nous en sommes qu’au 1 er mois de classe.

– Je suis désespérée par l’ambiance dans la classe et la continuité pédagogique sans cesse altérées par les trop nombreuses interruptions, les éclats de voix, la violence qui y règnent

– Nous sommes toutes amenées à subir ses agressions verbales ou physiques, je suis très inquiète pour ma collègue. Je sais qu’elle ne dort plus la nuit et s’inquiète pour ses élèves et pour elle-même. Elle a l’appréhension de venir en classe et devoir subir les interruptions, les violences, les cris. Il faut absolument qu’une aide soit apportée à l’enfant, à la classe, à ma collègue et à l’école en général.

– J’ai dû esquiver les morsures et les coups d’un de mes élèves. J’ai dû le porter pour l’aider à changer ses vêtements et ce soir je ressens des douleurs dans le dos. Il m’a tapé au visage et m’a mordu au bras gauche.

– Je n’arrive pas à faire mon travail. Je suis psychologiquement et physiquement épuisée, je ne vais pas pouvoir continuer encore longtemps ainsi !