Monsieur le Directeur Académique,
Mesdames et Messieurs membres du CTSD,

Du 1er au 8 décembre prochain, il nous faudra choisir nos représentants au sein des instances académiques et ministérielles. De ces choix découlera la désignation des représentants départementaux. Dans l’Essonne comme partout ailleurs, cette semaine sera, pour l’Éducation Nationale, hautement vitale. L’enjeu est grand : ces élections jetteront la lumière sur nos professions après des années inédites et douloureuses marquées par le suicide de Christine Renon, l’assassinat de Samuel Paty et une crise sanitaire sans précédent. Chaque jour a apporté son lot de dysfonctionnements et d’événements qui ont fragilisé un peu plus les personnels et ont dégradé tant l’organisation du travail que les conditions d’accueil et d’exercice, pour creuser un peu plus la crise du recrutement. Les classes chargées, la prise en charge de publics de plus en plus hétérogènes, la destruction des collectifs par les dernières réformes ont été des sources d’immenses souffrances. Les métiers se sont transformés, sans qu’il soit tenu compte des humains qui tiennent pourtant l’école à bout de bras. Dans ce chaos, faire entendre sa voix est une nécessité. Ces élections entérinent aussi la fin du paritarisme dans le cadre des opérations de carrière et de mutation. La suppression des CAP, qui avait pour but officiel d’alléger le travail de gestion, permet surtout désormais de récompenser – dans la plus grande opacité – le mérite individuel. La loi dite de « Transformation de la Fonction Publique » affecte donc en profondeur le dialogue social, qui n’aura plus lieu que dans des instances fusionnées et moins fréquentes. C’est pourtant là que les élus continueront de défendre avec ténacité les intérêts de toutes et tous et les revendications pour gagner sur les salaires, les effectifs, le management ou les statuts. Dans ce contexte, faire entendre sa voix est une nécessité. Aujourd’hui est donc un jour particulièrement symbolique, que nous souhaitons solennel : alors que s’ouvre une année scolaire qui sera marquée par la fin des CTSD et le début des CSA, nous dressons non seulement un bilan de cette rentrée, mais aussi de notre instance.

Nous l’avons dit, la profession rencontre une crise de recrutement sans précédent. Dans notre académie encore plus qu’ailleurs. Ce qui impose plus que jamais de prendre grand soin des personnels. Ils doivent se sentir en sécurité sur leur lieu d’exercice et percevoir concrètement que leur employeur se soucie de leur santé et de leurs conditions de travail. Pour remédier à cette crise, que répond-on ? Qu’il est préférable de faire disparaître les CHSCT et de réduire encore et toujours les moyens horaires et humains. En témoignent les moyens accordés en juin dernier à l’assistance éducative du 2nd degré qui restent identiques alors même que les effectifs augmentent et qu’une enquête du CHSCT a montré avec rigueur et précision que les conditions de travail des AED pourraient sensiblement être améliorées avec davantage d’ETP pour chaque établissement essonnien dont le climat scolaire se dégrade. En témoignent aussi nos collègues AESH à qui on interdit le temps plein, dont les conditions de travail sont catastrophiques, qu’on pousse à se tourner vers d’autres métiers plus valorisants tout en les déclarant démissionnaires alors qu’elles ne le sont pas. Ne nous étonnons pas ensuite que les besoins en accompagnement dans les écoles et les établissements ne soient pas couverts. Ne nous étonnons pas du nombre affligeant de postes non pourvus. Ces exemples, propres aux AED et aux AESH, sont révélateurs des problématiques qui ont animé pendant de longues années nos débats en CTSD. On nous parle pourtant d’école inclusive. Sur un plan strictement pédagogique, on nous dit qu’il faut partir des besoins pour proposer adaptations et aménagements. Pourquoi cette règle pédagogique ne s’applique-t-elle pas à notre modèle éducatif entier et aux allocations de moyens ? Derrière cette peau de chagrin dont nous constatons chaque année les effets pervers, c’est une véritable démocratisation de l’école qui disparaît. Car l’école inclusive, c’est d’abord l’école de toutes et tous. Une école inclusive pourrait se définir comme une école sans inégalités, comme une école qui offrirait les mêmes chances à un élève allophone, à un élève vivant dans une zone d’éducation prioritaire ou dans une zone rurale, à un élève en situation de handicap ou à haut potentiel, à n’importe quel élève quel qu’il soit. Les récentes réformes – du collège et des lycées – ont pourtant montré leur propension à entériner de façon scandaleuse des privilèges et à exclure les plus fragiles du système, en les condamnant à une détermination géographique et sociale, et en les persuadant aussi que cette détermination est irrémédiable. Mais voilà, pour sortir de cette logique, il faut des moyens, des moyens qui augmentent suffisamment au regard de la pression démographique qui pèse sur notre département, des moyens qui offrent des conditions d’accueil et d’enseignement dignes d’un véritable service public d’éducation, juste et émancipateur. Mais voilà, le compte n’y est pas.

En cette rentrée, le manque de moyens attribué à notre département dans le 1er degré est criant. La majeure partie de la dotation a déjà été absorbée par les priorités ministérielles. La dotation de 100 postes est largement insuffisante. Le réseau hors la classe sera une nouvelle fois le parent pauvre de cette carte scolaire : aucune création de postes spécialisés, 10 créations de postes de remplaçants, alors que la situation du remplacement en Essonne a été très tendue l’année dernière. Si nous saluons les quelques fermetures évitées, nous déplorons malgré tout les trop rares ouvertures quand les seuils étaient atteints, malgré nos remontées d’effectifs et de situations tendues de certaines écoles. Dans notre département 100 contractuels ont été embauchés pour le 1er degré en juin suite aux journées de jobdating organisées par l’académie de Versailles, en plus des 92 contractuels reconduits. Entre contractualisation et privatisation, il n’y a qu’un pas. Cette politique managériale calquée sur le privé ne peut qu’inquiéter. Elle résonne tout particulièrement dans le 2nd degré qui accueille chaque année davantage de contractuels, de plus en plus exposés aux difficultés grandissantes du métier, de plus en plus fragiles face aux différentes missions à réaliser. Partout c’est donc le modèle du privé qui s’impose pour détruire insidieusement un service public que nous souhaitons protecteur, égalitaire, accueillant et généreux. Plusieurs collèges et lycées essonniens traversent une crise sans précédent et subissent des conditions de rentrée particulièrement éprouvantes et inédites. Cette souffrance est due à des stratégies de management inacceptables de principaux et proviseurs autoritaires et peu enclins à construire une sérénité et un bien-être au travail. La FSU 91 dénonce avec force et ténacité, depuis plusieurs années, ces pratiques indignes d’un service public d’éducation et ces atteintes profondes à la santé des personnels. Si ces problématiques concernent en premier lieu le CHSCT, elles ne sont pas étrangères aux questions traitées par le CTSD. Car c’est avec de telles pratiques qu’on contraint les personnels à faire davantage d’heures et donc à supprimer progressivement des postes ; c’est avec de telles pratiques qu’on aggrave la crise du recrutement en poussant les personnels à demander une disponibilité ou à déposer leur démission ; c’est avec de telles pratiques qu’on charge les classes et les établissements pour avoir recours à moins d’adultes, parce qu’il y a de toute façon de moins à moins d’adultes puisque la crise du recrutement fait rage. Quand ce cercle vicieux s’arrêtera-t-il ?

Partout, à tous les niveaux, les écoles et les établissements subissent donc fermetures et suppressions. Partout, à tous les niveaux, nos collègues ont beau crier leurs difficultés et leurs inquiétudes, en vain. Chaque terrain d’exercice, chaque unité de travail, chaque discipline enseignée porte la marque profonde d’un service public dégradé, contraint d’abandonner ses ambitions. La situation de l’enseignement de l’EPS dans les collèges de l’Essonne est, de ce point de vue, emblématique. Alors que la rentrée 2021 accueillait 800 élèves supplémentaires avec trois professeurs d’EPS en moins, les 624 élèves supplémentaires comptabilisés cette année en collège n’ont bénéficié que de 4 professeurs d’EPS en plus ; poursuivant ainsi la dégradation du taux d’encadrement professeur avec, en deux ans, pour près de 1500 élèves en plus, un seul poste de professeur d’EPS supplémentaire. Pourtant tout le monde est aujourd’hui d’accord pour dire que la pratique physique sportive et artistique est un enjeu social et culturel incontournable pour le développement et la réussite scolaire de nos élèves. Or, les politiques éducatives actuelles menées autour de l’EPS et du sport scolaire ne sont malheureusement pas à la hauteur de cet enjeu. Après le flop du « 2S2C » la mise en place à titre expérimental du dispositif « 2h de sport supplémentaire » proposée dans 7 collèges essonniens cette année, montre combien la politique gouvernementale est éloignée de notre volonté d’améliorer les conditions d’apprentissage et de réussite de tous les élèves. Renforcer les horaires de l’EPS, seul lieu de pratique physique artistique et sportive obligatoire pour tous et toutes, en les portant à 4h par semaine sur toute la scolarité, nous semble être la meilleure voie de progression possible. Nous ne parviendrons à infléchir la tendance actuelle, d’accroissement des inégalités sociales dans la pratique sportive et du développement inquiétant de la sédentarité des jeunes générations qu’en augmentant les temps d’enseignement d’EPS pour tous les élèves. Cette analyse pourrait malheureusement être faite peu ou prou pour toutes les disciplines.

Parallèlement, depuis le début du mois de juillet, la FSU 91 a fait l’affreux constat de centaines d’élèves essonniens non affectés, dont le chiffre réel a toujours été tu. À la fin de l’année scolaire, on entend pourtant parler d’environ 900 élèves laissés sur le carreau, désireux de suivre une voie professionnelle ou demandant une 1ère STMG… L’été n’a malheureusement rien arrangé. À la rentrée, toujours autant de jeunes en attente, et trois semaines plus tard c’est encore plusieurs centaines qui sont sans place et se retrouvent au ban de l’école. Celles et ceux qui, par chance, ont pu être scolarisé.es, ont en réalité été contraint.es soit de changer de filière, soit de redoubler, soit de se rendre dans un établissement très éloigné de leur domicile. Cette situation ne peut que dégrader encore les établissements du département, les collèges comme les lycées, qui connaissent déjà une rentrée extrêmement difficile. La FSU, avec l’intersyndicale et les fédérations de parents, a signé un communiqué dénonçant cette situation et a demandé une audience. Celle-ci a eu lieu le mardi 11 octobre et a mis au jour non sans une certaine cruauté le cynisme de notre système. Pour justifier ce scandale, on nous oppose la pression démographique qui accentue ce qui existe déjà chaque année mais dans une moindre mesure. Pour motiver le refus d’ouvrir davantage de places en voie professionnelle, on nous répond qu’il faut faire correspondre la carte de formation avec les capacités d’insertion professionnelle du territoire. Pour régler la question de la filière STMG, on nous dit qu’il faut travailler autrement sur l’orientation, malgré le manque de Psy-EN et la fusion des CIO dans l’Essonne. Et pour couronner le tout, on nous vante les mérites d’un nouveau dispositif ouvert au Lycée Clément Ader à Athis-Mons et au Lycée Brassens à Évry-Courcouronnes : la classe Avenir ! Cette classe réunira des élèves non affectés en voie professionnelle et leur permettra de construire tout au long de l’année un projet d’orientation à travers des stages dans des milieux professionnels variés. Ne soyons pas dupes : si ce mode de scolarisation leur offrira un passage en 1ère pro à la rentrée 2023, il aura surtout pour objectif de gérer des flux pour contraindre les choix des familles en fonction des besoins économiques du département.

C’est pourquoi nous achèverons cette déclaration sur notre inquiétude profonde et notre ferme opposition à l’égard de la réforme à venir des lycées professionnels. La FSU s’engage, en particulier le jeudi 17 novembre, à porter haut et fort l’intérêt, la parole et les revendications des PLP qui exigent le retrait de ce projet dévastateur pour l’avenir des jeunes et de l’ensemble du système éducatif. Aucune nouvelle réforme ne peut être mise en œuvre sans qu’un état des lieux rigoureux et objectif n’ait été préalablement réalisé en prenant en compte l’expertise des personnels. Après des décennies pour faire reconnaître que les savoirs professionnels sont des savoirs à part entière, qui relèvent donc du champ scolaire et nécessitent des diplômes reconnus nationalement, nous voilà revenus dans le modèle du vieux monde, celui qui a toujours pensé que la simple reproduction des gestes professionnels suffirait bien aux ouvriers ; qu’il n’y avait pas lieu qu’ils et elles accèdent à des savoirs émancipateurs et à une élévation de leur niveau de qualification. Aujourd’hui, la France fait face à une pénurie de main-d’œuvre sans précédent et ce dans de nombreux secteurs d’activité. C’est dans ce contexte tendu pour les employeurs où les salarié-es retrouvent du pouvoir de négociation, que le gouvernement engage une série de « réformes ». S’il prétend les mener au prétexte du plein emploi, en réalité ce qu’il recherche c’est maintenir voire renforcer la concurrence entre salarié-es et précariser toujours davantage une partie croissante du salariat pour empêcher toute redistribution plus juste des richesses créées. Cela passe par une nouvelle réforme de l’assurance chômage, par un allongement du temps au travail – via la réforme des retraites, mais aussi par la réforme des lycées professionnels. Orienter les jeunes dans les métiers en tension en supprimant les filières tertiaires dans lesquelles les jeunes poursuivent davantage leurs études, en augmentant de 50 % le temps de stages en entreprises pour qu’ils et elles travaillent à mi-temps et gratuitement pour l’employeur en classe de terminale, c’est ce modèle fortement corrélé à celui de « l’apprentissage » que le président Macron veut développer. Loin de cette vision étriquée, libérale et purement utilitariste de l’École, la FSU défend un modèle de formation professionnelle initiale globale, émancipatrice, ancrée sur des diplômes nationaux garants de la qualification des emplois et de la reconnaissance des métiers. Elle combattra donc ce projet néfaste en défendant le modèle de l’enseignement professionnel public et laïque. Parce que la place d’un jeune de 15 ans, quelle que soit son origine sociale, n’est pas au travail mais à l’école. Parce qu’en France, se former à un métier est possible dans les lycées professionnels publics – ces derniers devant demeurer sous l’égide d’un ministère unique de l’éducation, plein et entier, regroupant Éducation nationale, Agriculture et Mer. Pour toutes ces raisons, c’est la FSU dans son ensemble qui mène et mènera ce combat contre le projet Macron, pour les jeunes, pour les professeur-es des lycées pros mais plus globalement pour l’ensemble de la société.