Alors que dans l’Essonne, le Conseil Départemental mène une politique indigne en réduisant l’offre des repas dans les cantines des collèges du département, Sylvain MESTDAGH, militant FSU 91 et membre du collectif AES, vous propose d’approfondir la réflexion sur les enjeux écologiques et sociaux de la restauration collective.

 

1/ Contexte : quelques chiffres.

La cantine passe souvent comme un élément secondaire dans nos luttes par rapport à d’autres sujets qui apparaissent d’emblée très politiques (le budget ou la DHG par exemple). Voici donc d’abord quelques chiffres qui témoignent de l’aspect politique de ce sujet.
Ecologiquement d’abord, la restauration collective prend en charge 7 millions de repas par jour, et l’enseignement (école, collège lycée, université) compte pour 33 % de ces 7 millions. Or, l’alimentation représente ¼ de nos émissions de Gaz à effet de serre (sce ADEME) autant que le transport et le logement. A lui seul, l’élevage de bétail dans le monde est responsable en 2005 de 14,5 % des émissions de gaz à effet de serre. Agir sur la cantine permet donc d’agir directement sur nos émissions et indirectement sur les filières d’approvisionnement.
Socialement ensuite, l’inflation des prix alimentaires a dépassé les 11% entre août 2022 et juillet 2023 (Insee). Ainsi, 12% de la population est en insécurité alimentaire (INCA3) et 15% déclarent même ne plus pouvoir assurer régulièrement petit-déjeuner, déjeuner et dîner, faute de moyens. La restauration scolaire est donc aussi un lieu qui permet à tous et toutes de manger correctement une fois par jour.
Bien loin d’être une question secondaire, la cantine est donc un sujet profondément politique. Elle est un moyen pour nous, syndicat de transformation sociale, de défendre une alimentation durable, c’est à dire l’organisation de pratiques alimentaires qui visent à nourrir tous les êtres humains en qualité et en quantité suffisante dans le respect de la biosphère, en rémunérant dignement l’ensemble de la chaîne alimentaire.

2/ La loi Egalim, qu’est ce que c’est ?

La loi du 30 octobre 2018 (dite « EGAlim ») a l’objectif d’améliorer l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire. Elle est l’aboutissement des États généraux de l’alimentation. Cette loi a été complétée par Egalim 2 et par une partie du plan Climat et Résilience (notamment concernant la restauration collective.) La loi cependant a déçu la quasi totalité des acteurs. On ne se centrera ici que sur ces liens avec la restauration collective.
Dans la loi, il est écrit que la restauration collective doit utiliser 50 % de produits de qualité et/ou durable, 20 % de produits bio et au moins 60 % de viandes et poissons de qualité et durable. De plus, les restaurants collectifs sont encouragés à développer l’acquisition de produits obtenus dans le cadre de projets alimentaires territoriaux (PAT), bien qu’ils ne soient pas comptabilisés dans les 50%.

3/ Face à une loi inappliquée, comment et à quel niveau agir ? L’exemple du bio.

L’échelon national. Il faut d’abord émettre une réserve sur « l’effet label » : en effet, s’il y a 50 % de produits de qualité c’est mécaniquement que 50 % des produits sont potentiellement mauvais pour la santé et pour l’environnement. D’un point de vue national, nous avons donc besoin de normes qui s’imposent à tous les produits, même ceux que la société réserve aux plus pauvres et aux plus précaires.
L’échelon des collectivités. Quand bien même le principe des labels ne poserait pas problème, en 2023, nous ne sommes qu’à 7 % de bio dans les cantines, loin des 20 % demandés. Il faut donc nous interroger sur la raison pour laquelle la loi n’est pas appliquée. D’abord, il y a la question des moyens. En effet, aucun financement supplémentaire n’a été donné aux collectivité pour effectuer la transition. Et de leur côté, les collectivités (départementales pour les collèges et régionales pour les lycées) se sont bien gardées d’augmenter les budgets. Nous devons donc agir à ce niveau pour aider les établissements à respecter la loi.
L’échelon local. Cependant, tout ne se résume pas aux moyens. En effet, le coût de la matière première en restauration collective ne représente en moyenne que 18 à 25 % du prix d’un repas. A nous d’agir aussi à l’échelle locale. À partir du 1er janvier 2022, la part des produits de qualité et durables et la part des produits issus de projets alimentaires territoriaux entrant dans la composition des repas servis doivent faire l’objet d’un affichage permanent à l’entrée du restaurant collectif. Nous pouvons nous saisir de ces informations et participer à la commission des menus (ou commission restauration). Elle est composée de représentants de la collectivité, d’encadrants, de représentants de parents d’élèves et de représentants du prestataire de restauration collective si la fabrication des repas est sous-traitée. Elle est par définition le lieu où l’on peut pousser vers un approvisionnement plus écologique. Et c’est un sujet où nous pouvons facilement faire alliance avec les parents d’élèves.

4/ Transformer la filière, un enjeu politique

L’intérêt d’aller vers plus de bio est double : d’une part, c’est meilleur pour la santé des enfants et des collègues. Surtout, cela permet de soutenir la filière. On a beaucoup parlé de la croissance du secteur et de la multiplication des conversions en bio mais la filière connaît de grosses difficultés, ce qui remet en cause les objectifs chiffrés de la France : 18 % de la surface agricole en bio en 2027. Nous stagnons aujourd’hui à 10,7%. La restauration scolaire doit donc jouer son rôle. Son poids économique et le volume de ses achats permettrait d’aider un modèle que nous devons porter.
Mais nous pouvons aller encore plus loin que le Bio dont on connaît les limites. Le projet « Ma cantine en Amap » a été lancé en 2017. C’est une expérimentation menée avec la commune de Moret-Loing-et-Orvanne (77) et qui a permis de monter des partenariats paysans-école en transposant la Charte des AMAP (Association pour le Maintien de l’Agriculture Paysanne) tout en restant dans le cadre réglementaire et financier imposé par la restauration scolaire. Ce modèle économique permet de sortir de l’agro-industrie en tendant vers une agriculture de maraîchage et de circuits courts tout en rémunérant décemment les producteurs.

A quand une expérimentation semblable dans le 91 ?

Lien vers l’expérimentation :
https://amap-idf.org/agir/agir-en-tant-qu-elue/accompagner-la-restauration-collective-vers-un-approvisionnement-bio-et-local