Pour commencer, nous vous souhaitons,Monsieur le Préfet, la bienvenue dans notre département.
Après la crise sanitaire, la sécheresse et les incendies de cet été nous ont rappelé à quel point l’action de l’état est la seule garante de l’intérêt général aussi bien pour la planète que pour les humains. Les enjeux écologiques sont l’affaire de tou-tes, ils ne peuvent être laissés à la merci des marchés économiques et le ministère de l’éducation Nationale doit prendre sa part : rénovation énergétique notamment…
Trois mois après sa nomination, le nouveau ministre Pap Ndiaye confirme le changement de ton dans ses interventions médiatiques vis-à-vis des personnels des écoles mais aussi des familles. Une rupture bienvenue tant le mépris de l’ancien ministre n’était plus supportable. Pour autant, la politique éducative poursuit la même ligne : resserrement sur les « fondamentaux » pilotage par les évaluations, extension des contrats locaux d’accompagnement, généralisation de l’expérimentation marseillaise… « une école du futur » que refuse en bloc la profession. Le ministre reste tenu par la feuille de route présidentielle et contraint par une ligne budgétaire limitée.
Le métier n’attire plus, la crise d’attractivité perdure et se renforce. Cette année, le déficit du nombre de personnes admises au CRPE est arrivé à un niveau jamais atteint : en 2022, ce sont 1177 postes restés vacants à l’issue du concours. Notre profession est en souffrance et le semblant de rentrée normale n’a pas tenu une journée notamment dans notre département où énormément de remplaçants ont assuré la rentrée. Rentrée d’ailleurs préparée, et la FSU l’a
toujours salué, grâce à l’investissement des personnels administratifs, à la DSDEN comme dans les secrétariats de circonscriptions, qui gèrent parfois de manière chaotique cette pénurie de personnels. Nous craignons que rapidement les absences, qu’elles soient courtes ou longues, ne soient pas remplacées. En plus des postes non pourvus, des démissions prévisibles de stagiaires et contractuels, nous sommes contactés à un niveau assez inédit, par des collègues en milieu ou fin de carrière qui sont dans une optique de départ (démission, disponibilité, reconversion professionnelle, rupture conventionnelle…) Les causes de tout cela sont connues : faiblesse des salaires, non attractivité et non reconnaissance professionnelle, limitation des droits, perte de sens du métier suite aux réformes Blanquer etc… Et ce ne sont pas les recrutements de personnels contractuels, organisés à la va-vite par les rectorats qui permettront d’avoir un ou une enseignante qualifiée devant chaque classe.
Ainsi, le ministre annonçait mardi 30 août sur les ondes que, non, les contractuels n’étaient pas formés sur 4 jours : « Nous formons les enseignants contractuels, il n’y a pas que quatre jours, assure le ministre. Nous les suivons tout au long de l’année, on leur propose également du tutorat. On s’assure que ces enseignants tiennent leurs classes. » Nous répondons : Mensonge ! Il n’y a qu’à visionner la vidéo faite par une journaliste qui se présente à la journée de
job dating de l’académie de Versailles en caméra cachée…C’est édifiant voire scandaleux ! A ce titre, nous souhaiterions, Monsieur le Directeur Académique, avoir communication du plan de formation départemental détaillé pour les contractuels.
Le Ministre annonce l’ouverture, au printemps 2023, d’un concours exceptionnel de titularisation pour les enseignants et enseignantes contractuelles. Bonne nouvelle pour les personnels concernés mais les modalités restent à définir et notamment sur la formation qui suivra ce concours . De plus, cela interroge fortement sur deux aspects : La formation des personnels contractuels doit être de haut niveau pour permettre aux enseignantes et enseignants de posséder les compétences nécessaires à la réussite de l’ensemble des élèves. Un réel accompagnement de ces PE est nécessaire tout au long de l’année ainsi qu’une véritable formation continue. “Une organisation aussi vaste que l’éducation nationale a besoin d’un volant d’enseignants contractuels.” rappelle le Ministre. Il est à craindre, sur un temps plus long, qu’une concurrence entre deux voies d’accès au métier s’instaure (CRPE et recrutement de PE contractuel·les).
La principale voie d’accès aux corps de professeurs des écoles doit rester le CRPE. Afin de répondre à la crise du recrutement actuel et favoriser la démocratisation du métier, le recours aux personnels contractuels n’est pas une bonne solution. D’autres voies, dont le pré-recrutement, doivent être creusées, au-delà d’aspects structurels comme l’augmentation des salaires ou l’amélioration des conditions de travail.
Revalorisation salariale
Pap Ndiaye annonce une hausse globale de 10% mais pas pour l’ensemble de la profession sans qu’aucun calendrier précis ne soit donné. Dans le même temps, il évoque la revalorisation des débuts voire des milieux de carrière, excluant de fait les fins de carrière. La “répartition” de cette augmentation, entre l’ensemble des personnels sera donc un enjeu essentiel des concertations à venir. A noter que, les 2000 €/net par mois pour les débuts de carrière correspondent au salaire du 8ème échelon actuel après 14 années d’ancienneté.
Une autre augmentation de 10% serait conditionnée à l’exercice de nouvelles missions dans le cadre d’un “pacte enseignant”, déclinaison actuelle de l’antienne “travailler plus pour gagner plus”. Payer plus des heures qui sont effectuées sur des missions supplémentaires ne peut pas participer d’une revalorisation et participera du renforcement des inégalités femmes/hommes. Ces annonces font suite au dégel du point d’indice de 3,5% obtenu par la FSU-SNUipp et qui s’est matérialisé sur les fiches de paie durant l’été. Une avancée, mais qui reste nettement insuffisante et ne peut être qu’un début pour revaloriser réellement les grilles salariales pour faire face à l’inflation galopante.
Une revalorisation immédiate de 300 euros par mois et, à terme, une augmentation des grilles de 100 points d’indice est nécessaire sans être conditionnée à de nouvelles missions. Elle doit concerner tous les personnels, quelle que soit leur ancienneté, afin de rattraper le retard salarial accumulé depuis de trop nombreuses années. Cette revalorisation doit se faire sans contrepartie. C’est d’ailleurs le sens de l’appel FSU à la grève du 29 septembre prochain avec la CGT et Solidaires.
Pour les AESH, le rattachement aux PIAL a considérablement dégradé les conditions de travail de ces personnels et là aussi le recrutement est de plus en plus difficile. Encore beaucoup d’enfants avec notification n’ont pas accompagnement par manque d’AESH. Beaucoup ont été affectées après la rentrée ce qui constitue un véritable stress pour ces collègues déjà mal payées et indispensables au fonctionnement de l’école auprès des élèves à besoins particuliers. La FSU soutient les AESH pour la création d’un nouveau corps de fonctionnaire pour que leur salaire soit revalorisé et qu’elles puissent bénéficier d’une véritable formation initiale et continue.
Effectifs
Le Ministre poursuit le dédoublement des classes de grandes sections en éducation prioritaire et la limitation à 24 élèves dans toutes les classes de GS, CP, CE1 hors éducation prioritaire. A ce jour, aucune évaluation du dispositif de dédoublement des classes, n’a été réalisée. Cela a pour conséquence, dans un contexte de pénurie de personnels, d’augmenter les effectifs dans les autres niveaux de classe d’une même école ou dans d’autres écoles. Par ailleurs, le manque d’enseignantes et d’enseignants en cette rentrée ne permettra pas partout la limitation à 24 élèves par classe ainsi que le dédoublement des GS en Éducation Prioritaire. Il y a fort à parier que les ajustements de carte scolaire seront difficiles partout.
Au moment où le ministre parle de laisser plus de place à l’échelon local, la liberté d’organisation de l’école (dédoublements, PMQDC, réduction des effectifs à tous les niveaux de classe…) doit être aux mains des équipes. Le recrutement massif de PE, pour arriver partout à un maximum de 22 élèves par classe et 18 en éducation prioritaire, est nécessaire.
Innovation pédagogique
500 millions d’euros seront dédiés à l’innovation pédagogique (fonds annoncé pour 5 ans pour l’ensemble des écoles et établissements du second degré). Une annonce en lien avec la généralisation de l’expérimentation marseillaise qui sonne comme un renforcement de la contractualisation des moyens des écoles en fonction de critères fixés par l’institution. Ce qui aura pour conséquence de mettre en concurrence les écoles entre elles. Parallèlement le ministre annonce le développement des cités éducatives et de contrats locaux d’accompagnement, la généralisation des évaluations d’école, de nouvelles évaluations nationales sur échantillon pour les CM1. Le pilotage par les résultats n’est plus un risque mais devient une réalité.
C’est une école à plusieurs vitesses qui se met en place. Les évaluations d’école qui ne répondent en rien aux besoins des personnels des écoles doivent être abandonnées et le SNUipp-FSU91 appelle toutes les écoles à adopter une motion en conseil des maîtres pour les équipes qui ne souhaitent pas entrer dans ce dispositif.
Autres annonces
D’autres annonces peu précises ont été évoquées: grand plan maternelle, révision de la carte REP,… Ce flou inquiète légitimement. Il en est de même pour les annonces sur le bâti scolaire, dont la rénovation est indispensable au vu de la crise écologique actuelle, mais pour laquelle l’État se défausse
financièrement sur les collectivités locales.
Pour le SNUipp-FSU, cette rentrée est dans la continuité des précédentes. Alors, non, monsieur le Préfét, contrairement au satisfécit du ministre, cette rentrée ne s’est pas bien passée. Le ministre change mais la ligne générale reste la même, celle de l’école libérale promue par le président de la République. Les principales annonces tant salariales que pédagogiques ne répondent pas aux urgences et font craindre un développement de la concurrence entre les écoles et une division des personnels entre eux. Elles obèrent la réelle volonté de lutter contre les inégalités scolaires en cassant le cadre national et en imposant un modèle dont l’objectif n’est pas d’apporter les mêmes moyens à tou·tes et partout.
La FSU continuera de construire avec les collègues les nécessaires mobilisations pour imposer un autre projet pour l’école et porte des revendications pour un service public d’éducation de qualité, respectueux de ses acteurs et de ses usagers :
- une augmentation des salaires rattrapant au minimum la perte du pouvoir d’achat depuis
le gel du point d’indice, sans contrepartie - un recrutement massif de personnels enseignants et non enseignants
- une baisse des effectifs dans toutes les classes
- les moyens nécessaires au bon fonctionnement de l’école dite inclusive
- la suppression du dispositif des évaluations d’école et des établissements
- la suppression de la loi Rilhac
- une formation de qualité répondant aux besoins des personnels
Être ambitieux pour l’école publique, c’est bâtir une société durable. La FSU-SNUipp s’y emploie. Redonner du sens à notre métier est une véritable urgence.