L’année 2024 a été celle de l’élection de la nouvelle présidence de l’Université Paris Saclay. On pouvait difficilement imaginer que cet événement prendrait les allures d’une saga en plusieurs saisons bouleversée par des rebondissements ahurissants. La section FSU de l’Université Paris Saclay vous propose ici une présentation chronologique haletante des épisodes les plus marquants.

 

Février 2024 : du rififi à Paris Saclay

Les élections aux conseils centraux viennent d’avoir lieu à Paris Saclay, où la présidente, qui a succédé à Sylvie Retailleau, a réussi à fédérer largement… contre elle ! Sa liste n’a obtenu que 4 sièges au CA (composé de 14 élu·es des personnels + 4 étudiant·es + 18 nommé·es). Mais surtout, l’intersyndicale, qui se partage les 10 autres sièges (6 sièges pour la liste soutenue par la FSU et la CGT, 2 pour la CFDT et 2 pour le SNPTES) est unie contre la présidence sortante et son projet. Elle soutient un candidat à la présidence : Yves Bernard. Celui-ci serait d’ailleurs déjà élu s’il ne s’agissait pas d’un établissement expérimental ! En effet, les 18 personnalités extérieures nommées au CA participent à l’élection du président. La procédure, illustration de la « démocratie des dirigeants » qu’on veut nous imposer, est la suivante : le CODIR, qui comprend les directeurs des établissements et composantes de Paris Saclay (UFR, IUT, écoles, ONR…), propose une liste qui doit être validée par les élu·es du CA. Première bataille et première victoire, vendredi 9 février matin, les élu·es au CA ont voté contre la première proposition de liste des nommé·es du CODIR. Un prochain CA a été convoqué pour le 29 février. Si la liste proposée est de nouveau refusée, une concertation devra avoir lieu. Quoi qu’il arrive, la présidente ne pourra pas être réélue avant le 1er mars, date de sa fin de mandat. Il y aura donc probablement un·e administrateurice provisoire… Cerise sur le gâteau, l’HCÉRES se rend à Paris-Saclay le 5 mars pour commencer l’évaluation de l’établissement expérimental en vue de la création du grand établissement. L’HCÉRES va donc arriver dans une situation… pour le moins compliquée !

 

Avril 2024 : résumé des épisodes précédents

Le 30 avril doit avoir lieu le vote pour l’élection du président ou de la présidente de l’université Paris Saclay.

  • Les élections aux conseils centraux ont donné une majorité relative aux listes UHDE, soutenant la candidature d’Yves Bernard à la présidence de l’université. Au Conseil d’Administration (CA) notamment, nous avons en effet obtenu 5 sièges contre 4 pour les listes Ensemble qui soutiennent Estelle Iacona. Les autres sièges sont partagés entre le SNPTES, la liste « Paris Saclay à cœur » soutenue par la CFDT, et la liste ACLYAS des étudiant·es.
  • Les statuts prévoient que le CA composé non seulement des 18 élu·es mais aussi des 18 Personnalités Qualifiées Extérieures (PQE) votent pour le ou la président·e de l’université. C’est de notre point de vue complètement anti-démocratique puisque les PQE ont un pouvoir disproportionné, qui modifie l’équilibre sorti des urnes. C’était déjà le cas en 2020 mais le changement de taille est que la CFDT, le SNPTES et une partie des étudiant·es ne soutiennent pas Estelle Iacona alors qu’iels soutenaient Sylvie Retailleau. Nous avons donc formé une coalition interliste (UHDE + Paris Saclay à coeur + SNPTES) pour contrer Estelle Iacona.
  • Le choix des PQE est prévu de la manière suivante : le CODIRE (Comité de Direction Elargi), formé des directeur·ices des différents établissements, composantes et organismes de Paris Saclay, propose une liste de PQE qui doit être validée par le CA. En cas de refus de la part du CA, le CODIRE doit faire une seconde proposition. Un second refus entraîne une concertation.
  • L’interliste s’est mise d’accord pour refuser à deux reprises la listes des PQE proposée par le CODIRE. L’argument principal était le pouvoir politique exorbitant donné au CODIRE, en capacité de modifier l’équilibre sorti des urnes. Les élu·es au CA ont donc voté deux fois en majorité contre la liste des PQE. Estelle Iacona est ainsi arrivée à la fin de son mandat de présidente et un administrateur provisoire, Camille Galap, a été nommé par le ministère et chargé de mener la concertation.
  • Camille Galap a donc rencontré tous les syndicats et tou·tes les élu·es ainsi que le CODIRE. Lors de ces rencontres, notre revendication était que les élu·es puissent choisir les PQE au prorata de leurs sièges au CA. Cela aurait donné 10 sièges sur 18 pour l’interliste.
  • Un gros travail de prospection de PQE a eu lieu. Nous avons ainsi pu proposer 14 CVs de PQE pour l’interliste.
  • Une réunion de concertation, présidée par Camille Galap a été convoquée. Elle a duré 12 heures. Nos élu·es ont longuement bataillé, en interliste. À cette occasion, iels ont été rejoint·es par deux étudiantes (sur les quatre étudiant.es) de la liste ACLYAS qui s’est scindée en deux. À l’issue de cette longue réunion, une liste de PQE a été acceptée. Cette bataille a permis d’arriver à 6 PQE issues de nos propositions plus une choisie par les étudiantes ayant rejoint l’interliste. Cette liste a été validée lors d’une réunion du CA.

Nous sommes maintenant à la croisée des chemins. Le vote pour l’élection du ou de la président·e aura lieu le 30 avril. Ce sont les élu·es et les PQE du CA qui votent. Pour être élu·e, un·e candidat·e à la présidence doit obtenir la majorité absolue, c’est-à-dire 19 voix sur les 36 personnes présentes. D’ici-là, une campagne a lieu : les candidat·es peuvent rencontrer les PQE. Iels feront une présentation de leur projet au CA le 30 avril et répondront aux questions de ses membres. Yves Bernard est actuellement en train de se préparer à cette campagne. Le jour J, si les élu·es de l’interliste, y compris les étudiant·es, et les PQE qu’iels ont choisies, votent pour Yves Bernard, il sera élu. Mais aucune voix n’est de trop. Tout va donc se jouer lors de cette réunion… Par ailleurs, en ce qui concerne la commission de la recherche et la CFVU, Camille Galap a prolongé la validité des conseils sortants, en attendant que les nouveaux conseils aient, eux aussi, validé leurs PQE, ce qui devrait se faire le 24 avril.

 

Août : Habemus Presidentum !

Suite à un feuilleton de six mois digne de Netflix, l’Université Paris-Saclay a un président depuis juin : Camille Galap, ancien président de l’Université du Havre, d’abord désigné administrateur provisoire pour résoudre la crise de gouvernance. Il a mené les négociations entre le CoDIR (ensemble des directeur.ices de composantes et d’établissement de Paris Saclay) et les élu.es au CA pour composer la liste de Personnalités Qualifiées Extérieures (PQE) – négociation cruciale puisque les PQE disposent de la moitié des voix pour l’élection du ou de la président.e. L’intersyndicale, partie soudée, s’est fissurée avant le dernier CA électif. La CFDT nous a finalement indiqué qu’elle n’avait jamais envisagé de soutenir notre candidat, Yves Bernard, et était en désaccord avec sa profession de foi. C’est donc sans surprise que C. Galap a été élu par les PQE qu’il avait contribué à nommer et par la CFDT qui attendait l’apparition d’un candidat providentiel. De bout en bout, ce feuilleton est ahurissant : l’administrateur provisoire qui se place au-dessus de la mêlée avant de s’y jeter, la profession de foi de C. Galap qui reprend en grande partie celle de notre candidat, la position de la CFDT…

C’est en somme l’histoire d’une attaque sans précédent contre la démocratie universitaire et d’un rendez-vous manqué avec une vision collégiale, efficace et pragmatique de l’université à laquelle on préfère un management technocratique. Il s’agit aussi d’une victoire syndicale puisque l’équipe sortante, héritière de la ministre actuelle, a été désavouée, que nous avons soudé une équipe intersyndicale autour de la FSU et de la CGT et que les lacunes des grands établissements en matière de démocratie universitaire et de gouvernance ont été mises en lumière.

Deux jours avant le dernier CA électif, l’Assemblée Nationale a été dissoute ; nous connaissons tous.tes la suite. On ne peut s’empêcher de tracer un parallèle entre le déni de démocratie au niveau local et au niveau national : tout est mis en place pour que le résultat sorti des urnes ne soit pas pris en compte. Dans les deux cas, les candidat.es de notre camp social sont systématiquement dénigré.es et accusé.es d’extrémisme, ce qui contribue à faire perdre toute boussole politique à nos collègues et à nos concitoyens. Nous continuerons à nous battre pied à pied pour la démocratie universitaire et pour nos conditions de travail, comme nous l’avons défendue pendant cette belle campagne, qui a redonné de l’espoir à de nombreux.ses collègues.