Le jeudi 21 novembre 2024, l’épisode neigeux qui a touché l’Essonne a contraint la FSU 91 à transformer la formation sur l’état des lieux des dispositifs ULIS 2nd degré du département en visioconférence. Vous trouverez dans cet article un compte-rendu de cette formation riche en échanges et interrogations, qui donneront lieu à des revendications au niveau local et au niveau national. 

La fonction de coordonnateur ou coordonnatrice ULIS a la particularité, dans le second degré, d’être occupée par des personnels de statuts différents : parmi les titulaires, professeurs des écoles, professeurs des collèges et lycées (qu’ils soient certifiés, agrégés ou PLP), mais aussi professeurs d’EPS peuvent être nommés sur un poste de coordo ULIS du moment que ces personnels ont obtenu le CAPPEI ou qu’ils sont en cours de formation et s’engagent à passer cette certification. Si cette formation d’une demi-journée a été intéressante, c’est tout d’abord parce qu’elle a réuni des collègues qui font le même métier, mais dont les Obligations Réglementaires de Service (ORS) sont différentes. Ce premier hiatus fait apparaître des inégalités importantes de temps de travail et de rémunération entre les collègues. Ces questions d’emploi ne sont pas seulement des questions corporatistes : elles induisent des fonctionnements de dispositifs différents selon les professionnels qui occupent les postes. Ainsi, dans deux collèges différents, un même dispositif prenant en charge des élèves avec Troubles des Fonctions Cognitives (TFC) peut être couvert là à 18h (si le collègue coordo est certifié ou PLP), là à 21h (si le collègue est PE). Comment l’Education Nationale justifie-t-elle une telle disparité ?

Cette formation a soulevé également une autre inégalité qui tient au bâti scolaire : d’un établissement à l’autre, les salles accueillant les dispositifs ULIS sont de tailles très différentes et jamais équipées de la même manière. Tout dépend de la capacité d’accueil de l’établissement, des conditions dans lesquelles le dispositif a ouvert et de la collectivité propriétaire du bâti. En collège, le Conseil Départemental attend que le professeur soit nommé pour procéder aux commandes de matériel (tables, chaises, vidéoprojecteur, ordinateurs, tableaux et meubles) et ne vérifie pas que l’établissement a choisi une salle d’une taille appropriée pour recevoir tout le mobilier, sauf qu’il n’y a pas toujours un personnel nommé à la rentrée. En lycée, le Conseil Régional ne donne aucune consigne sur la taille de la salle, mais met à la disposition du coordo ULIS une liste type de matériel dans laquelle le personnel fait ses choix. Ces disparités dans les choix de l’équipement et des salles donnent lieu à de véritables inégalités dans les conditions d’accueil des élèves et dans les conditions de travail des personnels. On trouve de tout : un espace très grand réparti sur plusieurs salles mitoyennes et communicantes, une très grande et unique salle, une toute petite salle, et même parfois un simple bureau ! La formation a également mis en lumière l’importance de la place de cette salle au sein de l’établissement, parce que cette place détermine souvent de façon symbolique la place de l’inclusion dans les têtes des équipes et du chef d’établissement. Ainsi, on verra des dispositifs implantés au cœur du collège ou du lycée, quand d’autres se verront confinés au fond d’un couloir où se trouvent aussi SEGPA et UPE2A, quand d’autres encore trouveront leur place dans le couloir de l’Administration ou dans celui de l’infirmerie.

Concernant les effectifs, les inégalités sont moins marquées et toutes les collègues présentes à la formation s’accordent à dire qu’ils sont beaucoup trop chargés. Quand on regarde les chiffres transmis par la DSDEN lors du CSA bilan de rentrée, on constate d’ailleurs que la quasi totalité des effectifs des dispositifs ULIS en collège et en lycée dépasse ce que la réglementation en vigueur prévoit : « Le nombre d’élèves qui bénéficient du dispositif au titre d’une Ulis collège ou lycée ne dépasse pas dix. Cependant, dans certains cas, l’inspecteur d’académie-directeur académique des services de l’éducation nationale (IA-Dasen) peut décider de limiter l’effectif d’une Ulis donnée à un nombre sensiblement inférieur si le projet pédagogique ou si les restrictions d’autonomie des élèves qui y sont inscrits le justifient. Il peut également augmenter l’effectif d’une Ulis donnée si la mise en œuvre des PPS des élèves le permet. » (circulaire n° 2015-129 du 21-8-2015 ). Nulle part, on n’a évalué la faisabilité de la mise en œuvre des PPS des élèves accueillis ; nulle part, on n’a demandé son avis à la personne la mieux placée pour dire si l’augmentation de l’effectif du dispositif était envisageable. Dans l’Essonne, beaucoup de dispositifs accueillent maintenant 14 élèves, soit 4 élèves supplémentaires par rapport à l’effectif requis. Cette évolution insidieuse représente une dégradation importante du service public d’éducation et de l’idéal de l’école inclusive que nous défendons.

D’autant que cette augmentation des effectifs a lieu sans augmentation des moyens humains dont dispose l’ULIS. La question de l’accompagnement humain représente une nouvelle inégalité entre les dispositifs. La circulaire du 21 août 2015 précise que le dispositif est doté d’un personnel accompagnant, mais à aucun moment la quotité exercée par ce personnel n’est indiquée. Cette carence dans le texte est particulièrement odieuse quand on sait que les AESH sont des personnels précarisés par les temps partiels forcés que leur cadre de gestion leur impose. Très logiquement, on pourrait croire qu’un dispositif ULIS doit être doté d’un ETP d’AESH, et ce ne serait pas du luxe ! C’est le cas dans certains dispositifs qui emploient deux AESH à mi-temps (20h d’accompagnement x2). Mais sur le terrain, les remontées montrent que bien souvent les dispositifs ULIS du 2nd degré ont à leur disposition une AESH employée à 75%, ce qui correspond à 30h d’accompagnement. Quand on met en perspective ce temps d’accompagnement insuffisant avec l’augmentation des effectifs dans les dispositifs, on ne peut que constater les économies honteuses réalisées par l’Administration et la dégradation manifeste des conditions d’accueil des élèves et des conditions de travail des AESH contraintes de suivre un nombre beaucoup trop important d’élèves !

Ce constat prend tout son sens quand on sait le poids que représente le chef d’établissement dans le bon fonctionnement des dispositifs. C’est le cas par exemple pour les dispositifs collège qui accueillent des élèves avec TSA (Troubles du Spectre Autistique), où les temps d’inclusion sont bien moins importants que pour les dispositifs qui accueillent des élèves avec TSLA (Troubles Spécifiques du Langage et des Apprentissages) ou TFC. Moins il y a d’inclusion, plus le personnel qui coordonne le dispositif sera isolé et soumis aux décisions directes du chef d’établissement. Mais par ailleurs, plus il y a d’inclusion, plus les décisions du chef d’établissement peuvent impacter le travail de coordination avec les équipes. Si en lycée professionnel, la répartition des élèves dans les classes est décidée par la filière dans laquelle ils sont inscrits, il n’en est rien en collège et ce choix de répartition peut impacter considérablement le travail construit dans le dispositif. Ainsi, certains chefs d’établissement font le choix de mettre tous les élèves d’un même niveau dans une même classe (ce qui peut entraîner de grandes difficultés dans la prise en charge des besoins des élèves), quand d’autres chefs imposent à leurs équipes de répartir les élèves de l’ULIS dans des classes différentes (ce qui rend alors impossible la construction de l’emploi du temps de l’AESH). Ces difficultés ne sont pas sans rappeler les débats qui ont eu lieu en fin d’année dernière au moment de la préparation de rentrée dans le cadre du Choc des Savoirs. Là aussi, les inégalités sont criantes. Dans certains collèges, les groupes de niveaux n’ont pas été mis en place et les élèves ULIS se trouvent dans des groupes hétérogènes qui garantissent la réussite de leur inclusion ; dans d’autres collèges, les groupes de niveaux imposent une exclusion des élèves ULIS des groupes de maths et de français, les groupes homogènes étant beaucoup trop difficiles à gérer si des élèves en situation de handicap s’y ajoutent, et qui plus est sans accompagnement.

Compte tenu des constats faits, cette formation ne peut que nous inviter à faire de l’école inclusive un véritable objet syndical que la FSU 91 s’engage à prendre en charge dans les prochaines instances et les prochaines audiences qu’elle aura avec la DSDEN au cours de cette année scolaire et au cours des années à venir. Elle sera, aux côtés de tous les personnels, pour porter leurs revendications et défendre leurs conditions de travail. Sur ce sujet, n’hésitez pas à consulter notre compte-rendu du CSA bilan de rentrée du mardi 26 novembre et de l’audience sur les situations AESH du mercredi 4 décembre.